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L’acidose métabolique, correspondant à une augmentation de l’acidité dans le sang et à une baisse des bicarbonates, est une complication fréquente de l’insuffisance rénale chronique. Elle entraine de nombreuses complications, notamment sur le bon fonctionnement des os, des muscles, des glandes endocrines, et contribue à augmenter la mortalité dans la maladie rénale chronique.

Son traitement fait souvent appel à la prescription de gélules de bicarbonate de sodium. De récentes études ont montré que des mesures diététiques, sans se substituer aux thérapeutiques médicamenteuses, pouvait contribuer à un meilleur contrôle de l’acidose.

Les régimes pauvres, voire très pauvre en protéines sont connus de longue date comme bénéfique dans la maladie rénale chronique. Les toxines dites « urémiques », responsable d’une intoxication progressive du sang au décours de l’évolution de la maladie, sont en grande partie le fruit de la digestion de protéines.

On sait depuis le début du XXe siècle que réduire sa consommation de protéines diminuait la sévérité de ces symptômes, et pouvait parfois retarder le début de la dialyse. Des études récentes ont mis en évidence que ces régimes contribuaient également à limiter l’acidité du sang, le métabolisme des protéines conduisant en effet à la génération d’acide (1).

Ces régimes, pauvres (0.7 grammes de protéines par kilogramme de poids corporel par jour (0.7 g/kg/j), voire très pauvre (0.3 g/kg/j), ne sont cependant pas sans contrainte. En effet, la réduction drastique des apports protidiques en dessous de 0.6 g/kg/j expose le patient à un risque non négligeable de dénutrition.

Il convient donc de réaliser un suivi diététique rapproché, auprès de votre Néphrologue et/ou de votre diététicien(ne) formé(e) en Néphrologie. Une substitution en céto-analogues des acides aminés est également indispensable, et fait l’objet d’une prescription médicale.

Un autre aspect de la prise en charge diététique du contrôle de l’acidose métabolique est l’origine des protéines ingérées. Il est en effet admis qu’à quantités de protéines journalières ingérées égales, le métabolisme des protéines animales augmente l’acidité du sang, alors que celui des protéines d’origine végétale contribue au contraire à générer des bicarbonates, et à diminuer l’acidose (2).

Il a été ainsi montré que, dans une population d’une centaine d’insuffisant rénaux chroniques modérés, un régime composé de fruits et de légumes frais augmentait au moins aussi bien le taux de bicarbonate dans le sang qu’une supplémentation orale par gélules de bicarbonate de sodium (3). Ces régimes offrent donc une piste intéressante pour obtenir un meilleur contrôle de l’acidose.

Il est cependant important de noter qu’une autre complication importante de l’insuffisance rénale chronique est le risque d’une augmentation grave du taux de potassium dans le sang, potassium reconnu traditionnellement comme étant important dans les fruits. Dans ces études, les résultats étaient rassurants, n’exposant pas les patients à plus de risque d’hyperkaliémie (taux de potassium sanguin élevé).

Il faut cependant se garder de généraliser ces résultats encourageants à toute la population d’insuffisants rénaux chroniques : les patients diabétiques, représentant près de la moitié des insuffisants rénaux chroniques en France, connus pour être plus à risque d’hyperkaliémie que les autres insuffisants rénaux ont été exclus des études.

Les patients ayant déjà souffert d’une expérience d’hyperkaliémie et/ou déjà traité par poudre empêchant l’absorption digestive du potassium (RESIKALI®, KAYEXALATE®…) étaient également exclus de ces études. Ces résultats ne doivent dès lors pas leur être généralisées.

En conclusion, les dernières études mettent en évidence un intérêt croissant pour les régimes diététiques spécifiques, avec des résultats prometteurs dans de nombreux domaines, notamment ici dans la correction de l’acidose de la maladie rénale chronique.

Les régimes pauvres, voire très pauvres en protéines diminuent les signes d’intoxication du sang, et permettent de diminuer l’acidité du plasma.

Ces régimes nécessitent cependant une supplémentation et un suivi rapproché par un(e) diététicien(ne) spécialisé(e), pour éviter le risque de dénutrition. Les régimes riches en fruits et en légumes semblent également prometteurs pour mieux contrôler l’acidose métabolique.

Leur généralisation ne doit cependant pas s’appliquer aux patients à risque d’excès de potassium sanguin, notamment les patients diabétiques. Dans tous les cas, ces régimes nécessitent un suivi médical strict, et ne doivent pas être initiés sans avoir consulté préalablement son néphrologue.

 

Timothée LABOUX* & Raymond AZAR**
* Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille, France
** Centre Hospitalier de Dunkerque, France