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À mesure que la maladie rénale progresse, la kaliémie (taux de potassium dans le sang) augmente, la fréquence de l’hyperkaliémie (excès de potassium dans le sang) devient grandissante. Éliminé à hauteur de 90 % par le rein et 10 % par le colon, le potassium en excès dans le sang s’accumule ainsi devant une fonction rénale qui diminue. 

Le potassium intervient dans la transmission de l’influx nerveux, la contraction musculaire. A mesure qu’il augmente dans le sang, ses actions sont perturbées. Cela se concrétise par des fourmillements au niveau des extrémités, faiblesses et courbatures musculaires. A mesure que le taux augmente, des défauts de contraction, paralysies peuvent survenir. Au plus haut des troubles du rythme cardiaque sont observés. Ainsi, devant ce risque, les néphrologues, surveillent régulièrement ce résultat dans les bilans sanguins. 

La kaliémie n’est pour autant pas toujours liée aux apports alimentaires de potassium. Elle représente à peine 2 % du potassium total dans l’organisme, l’essentiel est concentré dans les cellules. Avant de rechercher une cause alimentaire à une hyperkaliémie, au stade de la maladie rénale chronique, plusieurs facteurs peuvent favoriser une hyperkaliémie. 

Une acidose (taux d’acides dans le sang élevé), une résistance à l’insuline chez les diabétiques de type 2, la prise de certains médicaments (β-bloquants, IEC) doivent être évalués, traités ou adaptés avant de demander un ajustement alimentaire. 

Les recommandations alimentaires dans la gestion de l’hyperkaliémie demandent un apport inférieur à 3g de potassium par jour. Notez qu’en France, sur les dernières enquêtes de consommation alimentaire, les femmes ont un apport moyen à 2,7 g/jour, les hommes à 3,5g. Les principaux conseils diététiques concernant le potassium se sont trop concentrés sur les fruits, légumes et céréales complètes, en stigmatisant les plus riches : bananes, pommes de terre, cerise ou autre. 

Ces recommandations doivent évolués pour plusieurs raisons :
L’apport en potassium issu des aliments d’origine animale comme la volaille, le poisson, les laitages n’est pas anodin. Une portion apporte en moyenne 360 mg, soit moins qu’une banane de taille moyenne (100g).
Ainsi, réduire les protéines animales, au profit d’une augmentation des végétaux ne modifie que peu l’apport en potassium global sur la journée. 

Teneurs et absorptions

Qui plus est ce potassium d’origine végétal est moins absorbé que celui d’origine animal (50 à 60% contre 70 à 90). Un « autre » potassium s’invite dans la discussion. Face à l’augmentation de consommations des aliments transformés et ultra-transformés, les additifs de potassium (notamment les lactates) sont de plus en plus utilisés et touchent tous les groupes d’aliments et notamment ceux réduits en sel. Ce potassium, absorbé à plus de 90%) doit être recherché dans les étiquetages de ces aliments du commerce afin d’orienter ver un meilleur choix avant de réduire des quantités ou fréquences d’aliments bruts. 

Des techniques de cuisson pour réduire la teneur finale

Longtemps le trempage a été le 1er conseil donné et retenu par les patients. 

Des récentes études diminuent son intérêt. Il n’offrirait que peu de pertes (0 à 10%) alors que la cuisson longue à l’eau permet une réduction de 40 % , 70 % pour une double cuisson. Réalisés avant une préparation finale (épices, herbes aromatiques et matières grasses) , ces techniques permettent de consommer facilement pommes de terre, légumes secs ou frais longtemps diabolisés. 

En dialyse, les végétaux offrent d’autres intérêts nutritionnels que le potassium, le vilain petit canard des listes inefficaces d’aliments déconseillés (à tort). Leur apport important de fibres est un atout reconnu dans de nombreuses études. 

Dans une étude de 2019, sur plus de 18000 Patients hémodialysés, il a été relevé que seulement 4 % consommait 4 portions de fruits et légumes par jour. Tout aussi intéressant, les patients qui consommaient plus de 10 portions de fruits et légumes par semaine, le risque de décès était diminué de 15 %. 

Constipation 

Dans une revue récente de 2017, est présentée une complication fréquente à hauteur de 16 à 70%, parfois banalisée : la constipation. Cette dernière, lorsqu’elle est présente et chronique est associée à une progression plus importante de la fonction rénale. Par une réabsorption colique, elle est associée à une hyperkaliémie plus fréquente. Les fibres, valorisées précédemment des végétaux et céréales complètes trouvent leur intérêt au lieu d’être incriminés pour leur teneur en potassium finalement mal absorbé. 

Pour conclure, les études menées sur les alimentations riches en fibres montrent des bénéfices certains sur la prévention/réduction de la constipation, de l’obésité et du diabète, sur la production des toxines urémiques issus de l’écosystème digestif (microbiote), le diabète et l’obésité sans jamais faire ressortir un risque d’hyperkaliémie.
Au final, les liens entre l’alimentation et la kaliémie ne sont pas directs. Avant d’agir sur l’alimentation, il convient de corriger une acidose installée, modifier si possible les traitements à risque d’hyperkaliémie et d’évaluer la présence d’une constipation.
Dans la MRC, dans un objectif de néphroprotection par réduction des apports en protéines et sel, la valorisation des végétaux et céréales complètes doit être systématique. 

En dialyse, une consommation suffisante de végétaux doit être recherchée au quotidien, tout en évitant des « charges » importantes, épisodiques de potassium issus des aliments par une gestion via les chélateurs (attention, eux aussi pro-constipations en cas d’utilisation chronique), une adaptation des repas, une éducation sur la gestion des symptômes annonciateurs.

 

Stanislas TROLONGE
Diététicien-Nutritionniste

Bibliographie

Covesdy CP, Appel LJ, Grams ME, Gutekunst L, McCullough PA, Palmer BF, Pitt B, Sica DA, Townsend RR. Potassium homeostasis in health and disease. J Am Soc Hypertens. 2017 Dec;11(12):783-800. 
https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2014SA0234Ra.pdf
https://ciqual.anses.fr/#
KDOQI CLINICAL PRACTICE GUIDELINE FOR NUTRITION IN CKD: 2020 UPDATE
Diet-HD Study.Clin J Am Soc Nephrol ,2019
Martınez-Pineda. Journal of Renal Nutrition, 2019
Passey C. J Ren Nutr. 2017.